- My Little Big Bear -

Big, il ne l’était pas tant. Plutôt taillé comme un athlète, rien que du muscle, le mouvement facile. Toujours prêt, mon Peeloo.
Peeloo, c’était son surnom, il lui venait de "L’été en pente douce" de Gérard Krawczyk : il avait tellement aimé entendre Jacques Villeret appeler son petit Pilou-Pilou-Pilou-Pilouhouhou qu’il en avait gardé le nom, un peu anglicisé pour faciliter la lecture par tous.
Pas grognon non plus, comme le sont parfois les ours quand on marche sur leurs plates-bandes. Non, Peeloo était bon, facile, gentil, joyeux, il aimait faire plaisir et faire sa révérence pour dire bonjour, le sourire aux lèvres, Salam Alaykoum Peeloo. Un grand sensible. Peeloo aimait tout le monde et savait séduire.

Bear, il l’était par sa queue courte. Rare aussi. Peeloo, c’était rien de moins qu’un témoin de l’Histoire, celle avec un grand H.
Quand on s’intéresse à une race, on s’intéresse aussi à son histoire. Celle du Colley remonte à la nuit des temps, chien des bergers des Highlands écossaises pour le Poil Long et chien de conduite pour le Poil Court qui emmenait les troupeaux des régions d’élevage du nord de l’Angleterre vers le sud où se tenaient les marchés. Ces Poil Court-là, versatiles descendants des chiens débarqués avec les envahisseurs romains en 43 après J.C., avaient souvent la queue courte… et les oreilles dressées, juste pour dire : des Cur dogs.
 

                                                     - Fech Fech du Finfond 2013 -
 

Lucio Rocco l’a parfaitement décrit dans son premier livre, « Dal Lupo al Collie : Storia di un Pastore » paru fin 2020 et dans lequel mon Peeloo est d’ailleurs mis à l’honneur, juste pour dire encore.
                
Il aurait même, dit-on, fait naître cette curiosité à laquelle on doit tout ce travail de recherches affûtées, comme l’explique Lucio dans le bel hommage qu’il lui rend au lendemain de sa mort :
« Habituellement, la mort d'un chien n'est douloureuse que pour ses maîtres, mais il existe parfois des chiens spéciaux dont l'existence a été une source d'intérêt et d'apprentissage pour beaucoup. Ceux qui ont étudié l'histoire du colley portent dans leur cœur de nombreux noms du passé auxquels, en tant qu'amoureux de la race, ils doivent beaucoup.
Peeloo était l'un d'entre eux, mais il était aussi quelque chose d'autre. C'était un colley spécial, bon, gentil, sensible, joyeux et toujours prêt à faire plaisir.
Qui sait ce que Catherine a pensé quand elle a vu pour la première fois sa queue minuscule parmi les longues queues de ses frères nouveau-nés. À cette époque, Catherine ne connaissait rien des collies à queue courte, elle n'avait jamais entendu parler du Cur, elle ne savait pas que ce caractère venait de loin, qu'il était étudié depuis le Moyen Âge, elle ne savait pas que d'autres étaient nés encore récemment, hâtivement cachés par leurs propriétaires. Mais Catherine aime la race et, comme tout vrai éleveur, elle est curieuse.
C'est ainsi que, ignorants comme elle, nous nous sommes intéressés à cet étrange phénomène, et avons entamé une longue recherche dont nous ne savions pas encore où elle nous mènerait, mais qui nous a finalement conduits à lever le voile qui avait toujours recouvert les origines lointaines de notre race.
Nous devons beaucoup à Peeloo. Nous lui devons la plupart de ce que nous savons sur les racines du colley. Nous lui devons l’écriture de notre premier livre dans lequel nous avons essayé de raconter ces racines. Peeloo est le véritable protagoniste de ce livre. Sans lui, nous n'aurions rien eu à raconter, et c'est à lui qu’en revient tout le mérite, ainsi qu'aux nombreux amis du monde entier qui nous ont aidés dans nos recherches. Si aujourd'hui nous pouvons cesser de dire que les origines du colley sont entourées de mystère, c'est à lui que nous le devons. Et bien sûr, c'est grâce à Catherine, une éleveuse de la race.
Aujourd'hui, Peeloo est parti. Sans bruit et sans douleur, il a traversé le pont de l'arc-en-ciel et court maintenant joyeusement dans les champs de bruyère avec les nombreux Collies qui ont écrit l'histoire de notre race.
Salut Peeloo, nous sommes sûrs que ce n'est qu'un au revoir, car le Paradis auquel nous croyons est rempli de Collies heureux. »
 

En mars 2023, Lucio lui réserve à nouveau une place dans son quatrième livre
et ça me touche en plein coeur:

           

Peeloo, ce n’était pas n’importe qui. Mais c’était surtout mon pépère et mon coeur aujourd’hui est en miettes. On ne peut rien contre le cancer, sauf éviter les souffrances, et c’est ce que j’ai fait ce lundi 04 avril 2022.
Peeloo était né dans mes mains, il est mort dans mes bras, son gros frère Titi à ses côtés.
 

C’est mon chien.
Couché en travers du lit, il prend toute la place. Sa tête est lourde sur ma jambe, impossible de m’allonger sans le déranger, je me recroqueville. Il est calme, son souffle est régulier. Je passe ma main sur son flanc, il tressaille et replonge dans ses rêves.
J’aime ces moments, c’est intime et réconfortant.
Un chien vit l’instant, j’en fais autant.

C’est mon chien.
Un caïd.
Marshmallow Rock, le côté guimauve rien que pour moi, le côté roc pas tous les jours facile. On fait avec, on n’a pas des chiens qui rentrent dans les moules, on le sait bien. D’ailleurs, on n’a pas des chiens pour les faire entrer dans des moules.

C’est mon chien.
Beau Gros Fort Titi et la mission d’une vie: veiller au grain, « je garde, je protège ».
Choisir pour ça un endroit stratégique, comme une pile de bois empilé à l’entrée du champ, une balle ronde de foin fraîchement emballé ou le toit d’une cabane, observer sans se laisser distraire.
Gare à toi, inconnu!
Attention sangliers et blaireaux!
Attention lapin, cours-y plus vite! Trop tard…
Attention petit chien blanc, j’ai lâché la laisse, aïe, il s’en est fallu de peu...
Attention vipère! Trop tard encore... mais pour Titi cette fois. Entre la vie et la mort, c’est la vie qui gagne, ouf!,... et j’ai aussi sauvé la vipère.

C’est mon chien.
Ftizen Tizen, de cette Tizen chantée en langue berbère par Karimouche que j’écoutais en boucle en roulant de nos montagnes du Haut-Languedoc vers l’Allemagne avec Camaïl, à la rencontre de son bel Autri-chien. Avril 2010, souvenir d’un périple. Juin 2010, souvenir de ces premiers bébés Colleys du Finfond.

C’était mon chien.
Mon partenaire depuis 13 ans et 3 mois.
Je lui est rendu sa force et sa dignité, c’est ce qu’on fait quand on aime.
Ce soir, j’ai un lit tout entier mais un coeur en mille morceaux.
J’écoute Karimouche.

Ftizen Tizen du Finfond, mon Titi
25 juin 2010 / 20 septembre 2023